Ne plus jamais laisser personne mourir seul : le meilleur moyen de rendre hommage à tous les morts du COVID.

Bruno Retailleau veut déposer une proposition de loi pour garantir aux personnes âgées et malades un droit de visite.
Le Parisien du 18 avril 2021.

Ne plus jamais laisser personne mourir seul, loin de ses proches. La crise sanitaire inédite dans laquelle est embourbée la France a accouché d’un drame sourd : l’incapacité pour des milliers de Français d’accompagner un parent dans ses derniers jours. Afin d’y remédier, la droite sénatoriale doit déposer cette semaine une proposition de loi « tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements ». « On a laissé mourir des gens, coupés de la tendresse de leurs proches. C’est un manquement au devoir d’humanité », déplore le président du groupe (LR) au Sénat, Bruno Retailleau, qui va présenter la proposition de loi. S’il salue « le dévouement et l’abnégation des soignants », il dénonce « des manquements » auquel il veut s’attaquer.

Car si le droit de visite existe déjà, c’est le chef de l’établissement de santé qui conserve le pouvoir décisionnaire en la matière. Mais pour le sénateur, et les associations qui se mobilisent sur le sujet, la crise sanitaire ne peut plus justifier le refus de dernières visites. « Un établissement de santé ne peut s’opposer à une visite à laquelle consent un patient », sauf en cas de menace sur l’ordre public ou pour la santé du patient, prévoit le projet de texte que nous avons pu consulter. Le refus de ces visites devrait être également motivé et très encadré. Concernant les patients en phase terminale, il est prévu de leur garantir un droit de visite quotidien, que l’établissement dans lequel ils sont pris en charge se doit d’organiser.

« Mon père est décédé en novembre dernier. Pendant les 17 jours de son hospitalisation, on n’a pas pu lui rendre visite. Ni eu la possibilité de voir sa dépouille », raconte Laurent Frémont, qui dénonce la « violence » de la situation. Ce doctorant en droit public a cofondé une association, « Tenir ta main», le 17 mars dernier, pour sensibiliser les pouvoirs publics à la nécessité de légiférer afin que ces circonstances ne puissent pas se reproduire. Laurent Frémont assure que son association a reçu quelque 8000 témoignages de proches de défunts « partis seuls ».

Le 9 avril, c’est une tribune parue dans Libération, soutenue par l’association, qui a aussi tenté d’alerter le grand public. « Nous l’affirmons avec force, l’abandon de tant de nos patients, de nos mourants et de nos défunts depuis le début de cette pandémie constitue un recul de civilisation considérable dont nous commençons tout juste à mesurer les effets », écrivent les cosignataires, parmi lesquels le directeur de l’Espace de réflexion éthique d’Ile-de-France, Emmanuel Hirsch, l’urgentiste Patrick Pelloux ou la psychologue de renom Marie de Hennezel.

Inscrire ce droit dans la loi, cette dernière l’appelait déjà de ses voeux dans nos colonnes, jeudi dernier. « Oui, oui, oui, il le faut, maintient encore cette spécialiste de la fin de vie. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait, avec leCovidou avec un autre virus. Le droit de visite doit être un acquis, et non une variable d’ajustement des établissements. Seule une inscription dans la loi peut le protéger. Je le redis, mourir dans la dignité, c’est avant tout mourir avec ses proches à côté. »

Interrogé le 16 février dernier à l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé Olivier Véran avait redit « l’engagement du gouvernement » à défendre ce droit de visite. L’association « Tenir ta main » l’a sollicité mais n’a pas obtenu de réponse. Elle a pu rencontrer la conseillère santé d’Emmanuel Macron, et doit voir Marlène Schiappa, ministre déléguée à l’Intérieur, ce jeudi. Bruno Retailleau estime, lui, que sa proposition de loi « doit dépasser tous les clivages partisans », « c’est le meilleur moyen de rendre hommage à tous les morts du Covid».